samedi 27 novembre 2010

Surgelés

La peau des poivrons jaunes est ridée, je les tâte, les soupèse, les dépose un peu plus loin. À côté, les poivrons rouges ont meilleure mine. Je les caresse en passant.

Devant moi s'étendent par dizaines des sacs de pain blanc tranché. Je m'ennuie. La lumière des fluorescents se reflète sur le plastique. La sortie me semble si loin, avec tous ces étals de légumes qui me barrent la route. Je vois une femme qui sent un bouquet de fines herbes. Elle inspire en fermant les yeux, ses épaules se soulèvent, ses cils tremblent, elle se lèche les lèvres et elle rougit, là, le nez dans le persil frisé. Enfin, j'imagine, je ne vois pas grand chose d'ici. Et puis il y a encore tout ce pain blanc tranché, étalé devant moi. Je porte un sac de pain mou près mon nez. Ça ne sent rien.

Il y a une flaque de lait jauni dans le grand réfrigérateur. Je laisse la porte se refermer sur mon dos alors que je lis les dates d'expiration. Le 3 décembre, le 7, le 12. Je croise le regard de l'employé qui, derrière, place les pintes de lait sur les tablettes. Ses doigts agrippent avec force la surface souple du carton glacé. J'entends le glou glou du lait écrémé alors qu'il pousse la file des contenants vers moi. Ses yeux sont bruns, ils me regardent encore. Je voudrais qu'il m'invite dans le grand frigo avec lui. Qu'il me prenne par derrière entre les caisses d'oeufs et de fromage à la crème. Ses mains serreraient mes hanches, je regarderais l'épicerie à travers les silhouettes alignées des pintes de lait. Je penserais à mon panier encore vide, abandonné au milieu des produits laitiers. Mes seins laisseraient deux traces ovales sur l'inox du comptoir.

Ses yeux sont bruns, ils me regardent encore. Je lui parle de la flaque de lait qui jaunit, je lui dis qu'elle pue.

jeudi 18 mars 2010

Fragment 1

Il fait toujours plus chaud dans les étés d’enfance. Toujours un soleil à faire plisser les yeux. Et on a eu des rêves de kiosques à limonade, une table et une belle pancarte, on la vendrait dix sous.


Il n’y a jamais de vrais citrons dans le frigo de l’enfance. Au fond du tiroir, le citron en plastique des jours de filets de poisson.

mercredi 3 février 2010

Atelier du 2/2

Consigne: Nouvelle poétique avec personnage de vieux ou de vieille perdant la notion du temps.

Matins

Je serai très vieille. Il y aura beaucoup de poussière sur mon corps et en moi plus assez d'air pour qu'elle ne s'envole, se disperse comme tes cendres au-dessus de la mer. Tu as coulé au fond des vagues, un matin. Ce matin.

Je devins une île, léchée par la marée. Je deviendrai le sel d’une mer, celui qui fait flotter les corps, celui qui s'évapore sur les peaux rosies de soleil, léchées par la marée.

L’eau a mouillé mes pieds, un matin. Ce matin. Quand ils l'ont mise dans mes bras, elle avait déjà les yeux ouverts. Sa première image du monde, perdue sur un plancher sale, dans la chambre trois cent quatre, quatre cent trois. Je caresse sa joue rose, je murmure ton nom. Il s'effrite dans ma bouche, dans l’océan, il coule au fond des vagues.

J’aurai assez pleuré, mais je le ferai par habitude, pour être une femme, le cœur toujours trop plein, toujours trop étroit pour tout prendre. Tu m’auras offert des fleurs fanées, je les aimerai comme on aime les morts, en soupirant. Sur le coin du comptoir, on fera l'amour et le silence. On renversera le vase, les fleurs se briseront en poussière. L'eau glissera sur la sécheresse, dans mon dos, entre mes jambes. À l'étage, un cri d'enfant, des yeux ouverts. Ce sera hier, c’était demain.

Je suis très vieille. Fleur fanée, future poussière. Je sais que la mort, c'est la noirceur des paupières closes, celle du fond des eaux.

lundi 25 janvier 2010

Blog: Cake Wrecks


Oui, oui, c'est un gâteau en forme d'utérus. Complet avec trompes de Fallope et foetus. Joyeux shower, Julie!

J'ai dû arrêter de regarder ce blog en cours ce matin, j'ai failli lâcher quelques éclats de rire, je pense que ça a passé pour des rots. La honte.


Ça fait questionner la nature humaine. Qui l'eût cru?

mardi 19 janvier 2010

Atelier du 12/01


Consigne: Micro-nouvelle avec personnage enfant à la Hugues Corriveau.

À contre-jour

Devant la large fenêtre et son soleil couchant, elle n'est que cette petite ombre. De minces cheveux brillent, autour de sa tête, d'un filet de la lumière dorée qui pénètre dans la chambre.

La silhouette noire va et vient sur ce fond de ciel rouge. Elle ne regarde pas dehors.

Un lourd tricot la recouvre jusqu'aux genoux, lui donne un corps trop grand pour elle. Elle tient ses bras en l’air pour éviter que les manches trop longues n’avalent ses mains. D'un coin à l'autre de la pièce, elle marche, la petite marionnette. Les bras étirés par des fils invisibles.

Elle soulève avec délicatesse un ourson qui reposait sur son lit, ne le serre pas contre elle, n'enfouit pas son nez dans le pelage brun. Elle traverse plutôt la chambre, place le jouet au fond, tout au fond du placard étroit, avec les autres.

Il ne reste sur le lit qu’une poupée. La fillette caresse la longue chevelure blonde aux mèches éparpillées, glisse le revers de sa main sur les joues de plastique comme pour les essuyer. En posant la poupée au fond du placard, elle prononce des mots que personne n'entend.

Avec un dernier regard pour les petits visages alignés sur le tapis, elle étend sur eux l’épaisse couverture de laine, celle dont on a besoin quand il fait froid, quand c’est l'hiver.

Le soleil est passé sous l’horizon. La fillette se fond à la nuit qui recommence. Au moment de dormir, elle tirera l'édredon au-dessus de sa tête, comme à chaque fois.

Photo: Hani Ferland

lundi 18 janvier 2010

800 piasses, c'est...



  • 1 aller simple pour Marrakech
  • 2 mois d'épicerie
  • 53 séances de photo chez Sears
  • 16 000 retours de bouteilles consignées
ou
  • Le sac 'Joy' de Gucci
(moment de recueillement)