mercredi 3 février 2010

Atelier du 2/2

Consigne: Nouvelle poétique avec personnage de vieux ou de vieille perdant la notion du temps.

Matins

Je serai très vieille. Il y aura beaucoup de poussière sur mon corps et en moi plus assez d'air pour qu'elle ne s'envole, se disperse comme tes cendres au-dessus de la mer. Tu as coulé au fond des vagues, un matin. Ce matin.

Je devins une île, léchée par la marée. Je deviendrai le sel d’une mer, celui qui fait flotter les corps, celui qui s'évapore sur les peaux rosies de soleil, léchées par la marée.

L’eau a mouillé mes pieds, un matin. Ce matin. Quand ils l'ont mise dans mes bras, elle avait déjà les yeux ouverts. Sa première image du monde, perdue sur un plancher sale, dans la chambre trois cent quatre, quatre cent trois. Je caresse sa joue rose, je murmure ton nom. Il s'effrite dans ma bouche, dans l’océan, il coule au fond des vagues.

J’aurai assez pleuré, mais je le ferai par habitude, pour être une femme, le cœur toujours trop plein, toujours trop étroit pour tout prendre. Tu m’auras offert des fleurs fanées, je les aimerai comme on aime les morts, en soupirant. Sur le coin du comptoir, on fera l'amour et le silence. On renversera le vase, les fleurs se briseront en poussière. L'eau glissera sur la sécheresse, dans mon dos, entre mes jambes. À l'étage, un cri d'enfant, des yeux ouverts. Ce sera hier, c’était demain.

Je suis très vieille. Fleur fanée, future poussière. Je sais que la mort, c'est la noirceur des paupières closes, celle du fond des eaux.