samedi 27 novembre 2010

Surgelés

La peau des poivrons jaunes est ridée, je les tâte, les soupèse, les dépose un peu plus loin. À côté, les poivrons rouges ont meilleure mine. Je les caresse en passant.

Devant moi s'étendent par dizaines des sacs de pain blanc tranché. Je m'ennuie. La lumière des fluorescents se reflète sur le plastique. La sortie me semble si loin, avec tous ces étals de légumes qui me barrent la route. Je vois une femme qui sent un bouquet de fines herbes. Elle inspire en fermant les yeux, ses épaules se soulèvent, ses cils tremblent, elle se lèche les lèvres et elle rougit, là, le nez dans le persil frisé. Enfin, j'imagine, je ne vois pas grand chose d'ici. Et puis il y a encore tout ce pain blanc tranché, étalé devant moi. Je porte un sac de pain mou près mon nez. Ça ne sent rien.

Il y a une flaque de lait jauni dans le grand réfrigérateur. Je laisse la porte se refermer sur mon dos alors que je lis les dates d'expiration. Le 3 décembre, le 7, le 12. Je croise le regard de l'employé qui, derrière, place les pintes de lait sur les tablettes. Ses doigts agrippent avec force la surface souple du carton glacé. J'entends le glou glou du lait écrémé alors qu'il pousse la file des contenants vers moi. Ses yeux sont bruns, ils me regardent encore. Je voudrais qu'il m'invite dans le grand frigo avec lui. Qu'il me prenne par derrière entre les caisses d'oeufs et de fromage à la crème. Ses mains serreraient mes hanches, je regarderais l'épicerie à travers les silhouettes alignées des pintes de lait. Je penserais à mon panier encore vide, abandonné au milieu des produits laitiers. Mes seins laisseraient deux traces ovales sur l'inox du comptoir.

Ses yeux sont bruns, ils me regardent encore. Je lui parle de la flaque de lait qui jaunit, je lui dis qu'elle pue.

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